| PATRIMOINE/ Marché de l'art L'ART BRUTSoutter, Wölfli, Schröder-Sonnenstern, Chaissac
Ce mouvement tend depuis quelques années à se faire une place 
au cur du marché. Les plus belles pièces pourraient bien un 
jour atteindre le million de dollars.Ecartées du champ culturel, les uvres d'art brut n'étaient 
pas destinées à être monnayées. Pourtant, elles font 
désormais l'objet d'importantes adjudications aux enchères. Grâce 
au soutien de quelques institutions comme le musée de Lausanne, les jalons, 
pour ce marché, sont désormais posés. Louis Soutter (1871-1942), 
Adolf Wölfli (1864-1930), Emil Friedrich Schroder-Sonnenstern (1892-1982) 
ou Gaston Chaissac (1910-1964), par exemple, sont d'ores et déjà 
classés comme des artistes à part entière. Leur importante 
production assure un marché dynamique et des cotes clairement établies. 340 000 francs suisses pour une feuille de SoutterLe record a été enregistré en juin 2000 chez Kornfeld, à 
Berne (Suisse), grâce à une feuille de Louis Soutter, Masquerade 
in Slums (1939), adjugée 340 000 francs suisses (216 536 euros). 
Les dessins les plus recherchés de ce Suisse, mort à l'asile de 
Ballaigues, ont été réalisés après 1937, année 
à partir de laquelle il représente de
 (graphe)Indice des prix de l'Art brut
 (illustration)Sans titre, de Carlo Zinelli, 1968.
 Gouache et crayon graphite sur papier (70 x 50 cm).
 Donation l'Aracine, musée d'Art moderne de Lille*.
 fins personnages noirs et tordus, tracés au doigt avec de l'encre de 
Chine. Aux Etats-Unis, l'artiste le plus réputé de l'art brut est 
Bill Traylor (1854-1947). Né esclave dans la plantation de coton de George 
Hartwell Traylor, il ne se met à dessiner qu'à l'âge de 84 
ans - il est alors désuvré et sans toit. Sur trois ans de 
création, on estime à environ 1 500 le nombre de ses dessins. 
En France, c'est Gaston Chaissac qui tient le haut de l'affiche. Ce cordonnier, 
attiré par le dessin et la peinture, noue des liens étroits avec 
Jean Dubuffet. Il participe d'ailleurs à la première exposition 
d'art brut, chez Drouin, en 1949. Mais son immersion dans le milieu artistique 
le détachera progressivement des critères de l'art brut fixés 
par Dubuffet. Déjà en 1973, le musée national d'Art moderne 
a organisé une exposition de son travail. Si la 
 
| Obsessions |   
| Si cet art est mis en relief par André Breton dès 1924, c'est 
sous l'impulsion de Jean Dubuffet qu'émerge en 1945 l'expression « 
art brut ». Sous ce terme sont élevées au rang de créations 
artistiques des productions qui ne faisaient jusqu'alors l'objet d'aucune attention 
ou n'étaient perçues que comme des manifestations de troubles psychiques. 
Les plasticiens de l'art brut sont autodidactes et vivent souvent reclus, en marge 
de toute influence. Les supports utilisés sont aussi variés que 
les thèmes abordés, lesquels renvoient la plupart du temps aux troubles 
obsessionnels qui affectent ces artistes. |   rétrospective que lui a consacrée la galerie du Jeu de paume 
en 2000 a stimulé temporairement sa cote, aujourd'hui ses prix restent 
encore inférieurs à ceux atteints en 1990, année de ses plus 
fortes enchères. Ses totems les plus importants pouvaient alors s'échanger 
pour l'équivalent de 150 000 euros. Mais l'évolution de la 
cote de cet artiste ancré depuis longtemps dans l'histoire de l'art fait 
figure d'exception. Globalement, les prix sont en pleine phase ascendante. Toutefois, 
pour la grande majorité des artistes de l'art brut, la fréquence 
d'apparition en ventes publiques est encore trop faible pour que l'on puisse parler 
de cote établie. Le nombre d'uvres vendues aux enchères se 
compte sur les doigts des deux mains pour Pascal-Désir Maisonneuve (1863-1934), 
Martin Ramirez (1895-1963), Henry J. Darger (1892-1973) ou Carlo Zinelli (1916-1974). 
Ainsi, il n'est pas rare de voir se creuser le fossé entre les estimations 
et les prix au marteau. En 2003, par exem-ple, Le Jardin suspendu, de Stani 
Nitkowski (1949-2001), s'est arraché au prix de 5 600 euros pour une estimation 
de 300 euros chez Perrin-Royère-Lajeunesse. Sur ce marché émergent, 
les marges de progression sont importantes. Aujourd'hui encore, 83 % des uvres 
d'art brut se vendent au-dessous de 10 000 euros. Le 21 mai 2005, chez Jeschke, 
Hauff & Auvermann (Berlin), on pouvait s'offrir un dessin de Jean-Joseph Sanfourche 
pour 400 euros. Dix jours plus tôt, à Berne, Der Mensch Engel 
ist die Zeit, un dessin d'Oswald Tschirtner (1920) était adjugé 
650 francs suisses (421 euros) chez Dobiaschofsky. Pour un pastel gras d'Emil 
Friedrich Schroder-Sonnenstern, compter désormais 6 000 à 10 000 
euros, contre 1 000 à 2 000 euros il y a tout juste dix ans. *uvre exposée à : « Dubuffet et l'Art 
brut », du 15 octobre 2005 au 29 janvier 2006,Musée d'Art moderne Lille Métropole.
 
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